Violences ordinaires.

L'Ancre.

C'était une époque différente, du moins dans ma tête. On avait beau être en 2019, ma mentalité était bloquée quelque part entre la connerie et les années 50. Maman s'était mariée à 19 ans et Papa vivait comme un petit prince entouré de son harem, entre sa femme et ses filles, il pouvait prétendre à ne jamais lever le petit doigt. Je n'avais connu que ça, et à demi-mots, on me faisait comprendre qu'une femme, ça devait rester à sa place, qu'elle devait savoir s'occuper de son foyer si elle voulait trouver quelqu'un de bien. 

Comme disait Maman :"Tu sais dans le fond, même si les mentalités changent, il y a toujours un peu a tradition qui reste."

Sur les bases de cette éducation qui se voulait bienveillante mais bancale, voilà sur qui je suis tombée :

Je venais de quitter mon fiancé, j'étais plus fragile que je ne voulais l'admettre, je suis sortie alors que j'aurais vraiment mieux fait de rester chez moi. 

Il était là, l'allure élancée, le sourire charismatique et la blague qui va bien, je suis tombée dans le panneau. S'en est suivi un enfer de presque un an. Je ne sais pas si je l'ai vraiment tant marqué, après tout je n'étais qu'une fille parmi tant d'autres à qui il a fait du tort.

Mon instinct me commandait de fuir, mais mon ego, flatté par ses compliments, ne pouvait que rester. Armé d'un hameçon psychologique puissant, il avait réussi à détecter mes failles et à les exploiter pour mieux s'ancrer en moi. En une poignée de jours, notre relation me semblait d'une profondeur abyssale. Je n'étais pas du genre sentimentale, mais j'avais l'impression que sans ses bras pour me tenir, ma vie n'avait plus aucun sens.

Notre vie de couple était un océan déchaîné, et les bons moments ne représentait que le creux de la vague, avant de me noyer dans la violence de ses crises. Il suffisait d'un mot, pour déclencher une déferlante de rage à mon égard. 

Il était comme une drogue à mes yeux. Je ne pouvais plus lever l'ancre, je n'avais que lui, je me sentais seule au monde. Lorsque j'avais un éclair de lucidité, je lui disait que tout était fini, mais il refusait de l'entendre, revenait à ma porte implorant, et j'acceptais son retour. D'autres fois, c'est lui qui prétendait me quitter, mais j'ai vite compris que l'expression : "jusqu'à ce que la mort nous sépare" revêtait son côté le plus macabre pour décrire ce que nous vivions.

Au bout de quelques mois, mes sentiments étaient partis et faisaient place à la peur. 

Il me tuait à petit feu, physiquement et psychologiquement. Il me jetait dans les escaliers, me crachait au visage en me traitant de salope, je le griffais pour récupérer mon sac ? Il montrait les griffures à son travail pour dire que j'étais folle.

Il entrait chez moi par effraction pour me voler mes affaires, et puis, par la même occasion, il déchirait mes plus jolies robes et découpait mes soutiens gorges de façons méthodique.

Quand nous n'étions plus ensemble, il a vandalisé ma terrasse, juste avant de voler mon chat.

Lors d'un accès de violence, il a cassé ma fenêtre, mais parfois il faisait semblant d'être en colère pour vérifier si je n'avais rien à me reprocher. Lors d'un de ses faux accès de colère il a cassé mon lisseur en le jetant au sol.

Il m'a inscrit à son assurance vie, juste avant de faire une tentative de suicide, face à moi avec son arme de service. C'est là que je l'ai quitté pour de bon, après avoir empêché le pire en le désarmant. La police était formelle : "Il recommencera, il faut déménager sinon il vous retrouvera et cette fois-ci, il vous prendra avec lui."

Je suis allée en enfer et je suis revenue. Le chemin du retour était bien plus long que l'allé, mais je suis là aujourd'hui.

Si tu pleures devant cet article car il te fait penser à ta situation, c'est que ce n'est pas le bon et qu'il ne faut pas rester seule.























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